Éditions GOPE, 240 pages, 13x19 cm, 17.85 €, ISBN 978‐2‐9535538‐8‐8

mercredi 8 août 2012

Le jour s’est levé…, d’Alex Kerr


Alex Kerr est connu pour ses livres sur le Japon, qu’il a écrits en japonais et en anglais : Lost Japan, traduit en italien et en polonais, et Dogs and Demons, traduit en coréen et en chinois.

Bangkok Found, qui a été publié en 2010, par les prestigieuses Éditions River Books, est un recueil d’essais tirés de son expérience personnelle de la Thaïlande, pays où il réside et travaille depuis plusieurs décennies. Ce livre enthousiaste peut être considéré comme un guide culturel de Bangkok, qu’il faut lire après avoir visité les temples et goûté à la vie nocturne, pour aller plus loin que la surface et tenter de comprendre ce qui rend cette ville si fascinante… tenter, parce que, comme le dit lui-même l’auteur, « Bangkok est une ville insaisissable […] où tout est négociable ».

C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans Le jour s’est levé…, où Alex Kerr s’essaie avec succès à la fiction.

www.flickr.com/photos/fotopause/5991345703/
© Serge Sedov
Bangkok. 15 heures, sur le quai du métro aérien. 
Un homme s’effondre, assassiné sous les yeux d’une trentaine de témoins.
Qui est-il ? 
Pourquoi a-t-il été exécuté ?
Qui est son bourreau ?
Quelles informations primordiales peuvent amener les témoins de cet assassinat ?
Crime de sang ?
Crime de clans ?
Pourquoi un jeune garagiste, venu de sa province pour un court séjour dans la capitale, finit-il sa vie sur un quai du métro aérien ?
Pourquoi tant de mystère autour d’un « simple fait divers » ?

Un journaliste américain, noctambule invétéré, a douze heures pour élucider ce meurtre et remettre un article à son journal, à New York.
Commence alors une course effrénée contre la montre à travers la ville. À travers ce Bangkok diurne que l’Occidental connaît si peu et déteste tant.
Les rencontres avec les divers témoins s’enchaînent pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de cette exécution sommaire. 
Mais au fil des heures, le mystère s’épaissit alors que la température monte, que le macadam fume et que la ville est écrasée sous la chaleur…

Une plongée dans la moiteur du jour thaïlandais et dans l’opacité d’une société dont les codes et les rouages restent des énigmes pour les Occidentaux.

Extrait :

Mais là, je suis tombé sur un os. D’habitude, le moindre meurtre fait l’objet d’un article dans la rubrique des faits divers, bien souvent à grand renfort de photos de cadavres, aux blessures immondes, qui s’étalent à la une, comme c’est le cas dans le Thai Rath. Mais là, silence radio. Rien. Le vide sidéral. Aucune mention du meurtre sur Internet, à croire qu’un trou noir avait englouti à jamais toute cette histoire. Bon, c’est vrai que c’est ça le Web, à Bangkok. Il y a des manques. C’est comme ça, il faut faire avec.
Je dois bien l’avouer, ma curiosité était piquée. Je regagnai ma rue. La chaleur avait encore grimpé de quelques degrés et le bitume luisait sous le soleil matinal. Je pénétrai dans mon bureau. Un sentiment de malaise m’envahit. Habituellement, une à deux heures de recherches sur le Web suffisaient pour satisfaire pleinement les gars de New York. Mais cette fois-ci, je pressentais que cette affaire nécessiterait plus de boulot.
Il me fallait d’abord passer quelques coups de fil. Il était évident de commencer par Nop, le frère de Kaew. Il avait reçu plusieurs blessures sans gravité alors qu’il tentait de protéger son frangin. Après avoir été soigné à Bangkok, il avait regagné Khon Kaen.
Je réfléchissais. O.K., on peut prendre l’avion pour Khon Kaen et être de retour dans les douze heures. Mais voilà, j’avais la flemme. Au fil du temps, je suis devenu un pur produit de Bangkok. J’ai donc tendance à penser que le monde civilisé s’arrête quelque part, le long du viaduc autoroutier de Bang Na. Une fois arrivé à Khon Kaen, il faudrait marcher un certain temps si ce n’est un temps certain, sous la chaleur, pour me retrouver dans un motel… Non, je ferais mieux de rester dans mon bureau climatisé. C’est bien pour ça qu’on a inventé le téléphone, non ?
Et puis, contacter Nop n’était pas compliqué. Bien qu’il soit un paysan de Khon Kaen, il avait un téléphone portable. Il était donc tout aussi joignable que n’importe quel péquin de Bangkok. Et c’est ainsi que commença une de ces conversations totalement déroutantes dont la Thaïlande a le secret :
« Savez-vous qui a tué Kaew ?
— Bien sûr que je le sais.
— Qui ?
— Vous devriez vous renseigner.
— Vous voulez dire auprès de la police ? Ils ne disent rien.
— Ça ne m’étonne pas.
— Vous ne pouvez rien me dire ?
— Questionnez vos connaissances. Et vous saurez. »
Et il raccrocha.

© Alex Kerr, 2011
© Éditions GOPE, 2012, pour la version française


Coup de projecteur sur la traductrice :

Laurence Ricciardi-Soler, dont une partie de la famille est américaine, a vécu en Indiana où elle a suivi des études supérieures. Depuis, elle vit entre les deux cultures, française et américaine.
Elle travaille actuellement dans le secteur de l'art céramique et collabore régulièrement avec les Éditions GOPE pour qui elle a traduit Thai Girl, un roman d’Andrew Hicks à paraître fin 2012 (http://thaigirlgope.blogspot.fr/).

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